Cette semaine, Dakar a été au cœur de l’attention économique internationale avec la visite d’Édouard Gemayel, représentant du Fonds Monétaire International (FMI). Sa mission était particulièrement importante : vérifier un rapport récent révélant que la dette publique du Sénégal a été largement sous-estimée ces dernières années. Cette découverte vient bousculer les perspectives financières du pays et soulève de nombreux défis pour les autorités.
En effet, un audit indépendant, conduit par le cabinet Forvis Mazars, a mis en lumière un écart considérable entre les chiffres officiels et la réalité : la dette publique, qui était annoncée à 74,4% du PIB fin 2023, s’élève en fait à 111%. Cette tendance à la hausse s’accentue encore puisqu’elle s’approche désormais des 119% du PIB à la fin 2024. Cette hausse significative correspond à un surcoût d’environ 6 à 7 milliards de dollars, ce qui représente près d’un quart de la production économique annuelle du Sénégal.
Selon Édouard Gemayel, cette sous-estimation ne serait pas le fruit d’une simple erreur, mais d’une décision volontaire prise par le gouvernement précédent. Ce constat complique la tâche du gouvernement actuel, qui doit à présent gérer une dette bien plus importante que prévu, tout en maintenant la confiance des partenaires financiers.
Cette sous-évaluation a, jusqu’ici, facilité l’accès du Sénégal aux marchés de capitaux, en donnant l’apparence de résultats économiques plus solides. Toutefois, le FMI insiste aujourd’hui sur la nécessité d’établir des données budgétaires fiables et transparentes pour sécuriser l’avenir financier du pays. Face à cette situation, deux options se dessinent clairement : soit le Sénégal bénéficie d’un délai pour mettre en œuvre des réformes structurelles en échange d’un soutien continu, soit il doit procéder au remboursement immédiat des prêts contractés sur la base d’informations erronées. C’est au Conseil d’administration du FMI qu’il revient de trancher.
Pour sa part, le gouvernement sénégalais s’est engagé à renforcer la gestion de la dette publique. Plusieurs mesures sont en cours : centralisation des informations financières, renforcement du contrôle des emprunts, audit des arriérés, et création d’une base de données unique pour améliorer le suivi. Ces efforts visent à restaurer la confiance des marchés et à mieux piloter les finances publiques.
Par ailleurs, la justice sénégalaise pourrait être saisie, dans la mesure où les manquements identifiés pourraient constituer des infractions graves, telles que la falsification de documents ou d’autres délits financiers.
Malgré ces difficultés budgétaires, le Sénégal parvient à maintenir un rythme de croissance soutenu. Au premier trimestre 2025, l’économie a progressé de 12,1%, principalement grâce au développement des secteurs pétroliers et gaziers. Hors hydrocarbures, la croissance reste modérée à 3,1%. En parallèle, l’inflation demeure maîtrisée, sous la barre de 1%, ce qui contribue à préserver le pouvoir d’achat des ménages.
Dans ce contexte, le Sénégal souhaite en place un nouveau programme avec le FMI afin d’accompagner ses réformes. Ce futur partenariat reposera sur quatre axes majeurs : la transparence et la rigueur dans la gestion des finances publiques, la relance des secteurs stratégiques, le développement du capital humain et l’équité sociale, ainsi que la résilience face aux risques liés au changement climatique.
Cependant, pour l’heure, la mise en œuvre de ce programme reste en suspens, le FMI attendant des données corrigées et fiables. « Nous avançons vite, mais il est essentiel de régler d’abord les problèmes liés aux informations inexactes », conclut Édouard Gemayel.
Mame Malick Ciss