Le Sénégal, souvent cité comme un modèle de croissance en Afrique de l’Ouest, se retrouve au centre d’une analyse économique contrastée. D’un côté, l’agence internationale Moody’s Ratings abaisse drastiquement sa note souveraine à Caa1 (perspective négative) ; de l’autre, l’agence africaine Bloomfield Investment Corporation maintient sa confiance avec un BBB+ (perspective stable).
Cette divergence, loin d’être une simple querelle de chiffres, expose une réalité cruciale pour les économies africaines : la différence entre le risque en devises fortes et la solidité des fondamentaux locaux.
Moody’s : L’Œil rivé sur le risque international
L’agence Moody’s évalue principalement la capacité de l’État sénégalais à honorer sa dette libellée en devises étrangères (dollars, euros), notamment les Eurobonds contractés sur les marchés internationaux.
La dégradation à Caa1, une note de très faible qualité proche du défaut, est motivée par une hausse préoccupante de l’endettement extérieur et un risque accru de liquidité. Pour Moody’s, si les recettes en devises (exportations, investissements) se tarissent, le Sénégal pourrait se trouver dans l’incapacité de rembourser ses créanciers étrangers.
Cette note rend l’emprunt sur les marchés internationaux beaucoup plus coûteux pour le Sénégal, forçant le pays à payer des taux d’intérêt plus élevés pour compenser le risque perçu par les investisseurs mondiaux. C’est un signal d’alerte fort pour la gestion de la dette extérieure.
Bloomfield : La Confiance dans les fondamentaux locaux
À l’opposé, Bloomfield, en tant qu’agence régionale, se concentre sur l’évaluation du crédit en monnaie locale (Franc CFA) et des dynamiques internes du pays.
La note stable BBB+ s’appuie sur la croissance économique soutenue du Sénégal (bien que ralentie par des facteurs conjoncturels) et sur des « fondamentaux solides » (stabilité politique, amélioration des recettes fiscales, potentiel lié au pétrole et au gaz).
Pour Bloomfield, la capacité du gouvernement à mobiliser des ressources internes (impôts, obligations sur le marché de l’UEMOA en CFA) est jugée bonne. Le risque de défaut sur la dette interne est faible, ce qui reflète une résilience intrinsèque de l’économie.
En définitive, le Sénégal est face à un double défi : maintenir la dynamique interne que salue Bloomfield, tout en maîtrisant urgemment son endettement en devises pour regagner la confiance des marchés mondiaux représentés par Moody’s. L’enjeu est de transformer la résilience locale en une solvabilité globale durable.