Le Sénégal s’apprête à quitter la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA), une décision historique adoptée par l’ONU, assortie d’une période transitoire de cinq ans pour consolider cette progression. Quels en sont les avantages et les défis ? Cette évolution influencera-t-elle la déclaration de politique générale du nouveau régime ? Dans un entretien exclusif avec TSM BUSINESS, Malick Sané, professeur émérite de la FASEG à l’université Cheikh Anta Diop, livre une analyse approfondie des enjeux et implications de cette transition majeure.
Entretien
Monsieur Sané, quelles sont vos premières impressions sur le document ?
Il faut dire que depuis quelques années déjà, cette décision était attendue compte tenu des progrès réalisés par le pays depuis une dizaine d’années. Cela signifie qu’il y a l’espoir de voir le Sénégal confirmer dans les cinq prochaines années les performances économiques des dernières années.
Quels sont les avantages et les inconvénients de la sortie de la catégorie des PMA pour le Sénégal ?
Tout d’abord pour les avantages, c’est la reconnaissance des performances économiques et sociales réalisées par le Sénégal. C’est aussi l’espoir de lendemains meilleurs qui pourraient stimuler la confiance des sénégalais et des partenaires sur les possibilités qui s’offrent au Sénégal. Ceci est très important pour davantage travailler avec l’idée de consolider les acquis. En termes d’inconvénients dans la période transitoire, rien de fondamental de devrait changer pour le Sénégal. C’est seulement lorsque cette sortie des PMA sera confirmée au bout dès cinq ans que le Sénégal devrait sortir du confort d’un PMA pour compter avant tout sur des ressorts internes.
Comment le retrait du Sénégal de la catégorie des pays les moins avancés influence-t-il la déclaration de politique générale, notamment en matière de développement économique et de bonne gouvernance ?
Il faut dire qu’il y a trois critères d’appréciation des performances d’un pays dans le classement des PMA :
1) Le revenu par habitant devant être supérieur à 1000 US dollars. Le Sénégal remplit ce critère depuis la présidence de Maître Abdoulaye WADE ;
2) L’indice composite à l’image de celui du développement humain IDH ;
3) L’exposition du pays aux chocs externes pouvant montrer la fragilité du pays.
Dans ces conditions, la déclaration de politique générale n’a aucun effet sur cette décision déjà motivée depuis le mois de juin 2024.
Quels sont les principaux défis économiques que le Sénégal devrait relever après avoir quitté la catégorie des PMA ?
Pour quitter les PMA à l’issue de la période transitoire des cinq le Sénégal devra confirmer les performances obtenues dans les années passées. C’est en ce sens que le contexte est favorable pour le pays avec l’arrivée d’un nouveau régime, le lancement de la Vision 2050 comme nouveau référentiel des politiques publiques, sans oublier bien sûr le démarrage de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. Il s’agira pour le Sénégal de bâtir une économie compétitive permettant une croissance inclusive débouchant sur une répartition plus équitable des fruits de la croissance à partir des emplois créés, sortant des milliers de Sénégalais de la pauvreté. Cela passe par des réformes, pour ne pas dire des ruptures favorisant le développement agricole d’abord et industriel du pays autour d’un dividende démographique résultant du capital humain du pays.
Selon vous, comment le pays devrait-il procéder pour compenser la perte des mesures de soutien international associées au statut de PMA ?
La réussite des réformes avec le développement agricole et industriel du pays fondée sur l’exploitation optimale de nos ressources devrait permettre au Sénégal de générer une épargne plus consistante pour davantage contribuer au financement du développement avec une répartition gagnant-gagnant des activités issues des IDE. Bref, il faudra :
1) Relever encore le revenu par habitant tout en faisant baisser les inégalités sociales ;
2) Améliorer encore les éléments de l’indice composite, à savoir l’éducation, la santé, l’assainissement, l’environnement… ;
3) Endogeneïser plus encore notre économie avec plus de souveraineté et moins de dépendance. Comme dit plus haut, diversifier au maximum notre économie en augmentant la productivité dans tous les secteurs et créer le maximum d’emplois par l’industrialisation entre autres.
Quelles sont les stratégies que le Sénégal devrait mettre en place pour impliquer les partenaires internationaux dans cette période de transition ?
Faire en sorte que les PTF se dirigent résolument vers les branches que le pays a identifiées comme porteuses de développement, surtout dans les secteurs agricole et industriel. La mobilisation des ressources domestiques ainsi que celles de la diaspora avec leur utilisation optimale sont d’une impérieuse nécessité.
Quelles sont, selon vous, les mesures à mettre en place pour garantir la sécurité alimentaire et énergétique face aux impacts des changements climatiques ?
Nous devons aller plus que jamais vers la maîtrise de l’eau pour sortir nos agriculteurs de la dépendance à l’hivernage et avoir une production agricole sur au moins huit mois à défaut d’une permanence. L’exploitation de nos potentialités hydroélectriques solaires éoliennes est souhaitable. L’économie verte doit être mieux explorée avec les emplois verts et les biens écosystémiques.
Entretien réalisé par Mame Malick Ciss