La Commission européenne a envoyé ses conclusions préliminaires à Meta, estimant que son modèle « pay or consent » (pour « le paiement ou le consentement ») pour Facebook et Instagram viole le règlement sur les marchés numériques (DMA). L’entreprise est soupçonnée de ne pas offrir d’alternative satisfaisante aux utilisateurs refusant le partage de leurs données personnelles.
Depuis novembre 2023, Meta propose deux options aux utilisateurs européens de Facebook et Instagram : soit payer un abonnement mensuel pour une version sans publicités, soit accepter gratuitement une version avec des publicités personnalisées. Ce choix binaire, baptisé « payer ou consentir », ne plaît pas à la Commission européenne. L’institution a donc lancé une enquête et vient d’envoyer ses conclusions préliminaires à l’entreprise américaine.
Pour Bruxelles, cette pratique enfreint le Digital Markets Act (DMA), un règlement entré en vigueur le 6 mars 2024. Ce texte vise à encadrer les pratiques des géants du numérique, appelés « contrôleurs d’accès », pour favoriser la concurrence et offrir plus de choix aux consommateurs. Meta fait partie des 6 entreprises désignées comme contrôleurs d’accès, aux côtés d’Alphabet (Google), d’Amazon, d’Apple, de Microsoft et de ByteDance (TikTok).
L’UE veut que Meta offre une vraie alternative aux utilisateurs
Selon la Commission européenne, le modèle « payer ou consentir » de Meta ne respecte pas l’article 5(2) du DMA. Cette disposition oblige les contrôleurs d’accès à obtenir le consentement de leurs utilisateurs pour combiner leurs données personnelles entre différents services. Si un utilisateur refuse, l’entreprise doit alors lui proposer une alternative « moins personnalisée mais équivalente ».
Or, d’après l’enquête préliminaire, Meta ne remplit pas ces conditions. L’entreprise n’offrirait pas à ses utilisateurs la possibilité d’opter pour un service utilisant moins de données personnelles tout en restant équivalent à la version avec publicités personnalisées. De plus, la Commission estime que ce modèle ne permet pas aux utilisateurs d’exercer librement leur droit de consentement en ce qui concerne la combinaison de leurs données personnelles. C’est ce qu’a rappelé le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton sur X.com.
« Le #DMA est là pour redonner aux utilisateurs 🇪🇺 le pouvoir de décider de leur #data. #Meta a contraint des millions d’utilisateurs à travers l’UE à un choix binaire : « payer ou consentir ». Selon notre conclusion préliminaire, il s’agit d’une violation du DMA. Aujourd’hui, nous franchissons une étape importante pour garantir la conformité de Meta », peut-on lire dans sa publication.
Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission chargée de la politique de concurrence, a déclaré : « Nous voulons permettre aux citoyens de prendre le contrôle de leurs propres données et de choisir une expérience publicitaire moins personnalisée. » La Commission donne maintenant à Meta la possibilité de répondre à ces conclusions préliminaires. L’enquête doit se terminer d’ici le 25 mars 2025.
Pourquoi seule Meta est concernée par cette enquête?
Si Meta se retrouve seule dans le viseur de la Commission européenne pour cette pratique, c’est en raison de sa position unique sur le marché des réseaux sociaux. Facebook et Instagram font partie des services de plateforme essentiels identifiés par le DMA, au même titre que WhatsApp, également propriété de Meta.
L’entreprise de Mark Zuckerberg remplit tous les critères pour être qualifiée de contrôleur d’accès : elle opère dans au moins trois pays européens, affiche un chiffre d’affaires très élevé (plus de 7,5 milliards d’euros par an en Europe) et compte plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels dans l’UE.
Le modèle économique de Meta repose largement sur la publicité ciblée, rendue possible par la collecte massive de données personnelles. Cette pratique lui confère un avantage concurrentiel important sur le marché publicitaire en ligne. Le Digital Markets Act vise justement à limiter cet avantage en donnant plus de contrôle aux utilisateurs sur leurs données personnelles.
Les autres géants du numérique qualifiés de contrôleurs d’accès n’ont pas mis en place un système similaire au « payer ou consentir » de Meta. Ils doivent néanmoins respecter d’autres obligations du DMA, comme l’interopérabilité de leurs services de messagerie ou l’interdiction de favoriser leurs propres produits sur leurs plateformes.
Après Apple, qui risque de payer une amende correspondant à 20 % de son chiffre d’affaires mondial si elle ne se conforme pas au DMA, Meta est donc la deuxième entreprise à devoir répondre devant la Commission européenne sur le sujet. Est-ce qu’à terme, toutes les entreprises, au même titre que les groupes de presse dont certains titres proposent des abonnements payants, devront traverser dans les clous comme Meta et la marque à la pomme, au profit de nos données personnelles ?
Source : Commission européenne, Clubic