Londres – Apple se retrouve au cœur d’un procès à haut risque qui pourrait lui coûter jusqu’à 1,5 milliard de livres sterling (1,8 milliard d’euros). À partir de lundi, la société à la pomme affronte une action en nom collectif devant le tribunal britannique de la concurrence (CAT), accusée de pratiques anticoncurrentielles liées à son App Store.
Les plaignants soutiennent qu’Apple a mis en place des restrictions qui verrouillent le téléchargement d’applications sur son système iOS, lui permettant ainsi de prélever des commissions jugées « excessives et injustes » au détriment des consommateurs. En réponse, Apple qualifie ces accusations d’“infondées” et défend son modèle économique en s’appuyant sur des arguments qui lui ont permis d’échapper à des sanctions similaires aux États-Unis.
Un écosystème fermé
Le cœur de l’affaire repose sur deux restrictions majeures imposées par Apple : l’exclusivité de son App Store, la seule plateforme permettant de télécharger des applications sur iPhone et iPad, et l’obligation pour les développeurs d’utiliser son système de paiement. Cette structure a empêché l’émergence de concurrents, forçant les développeurs à verser des commissions de 15% à 30% sur chaque téléchargement payant, microtransaction ou abonnement, des frais qui se répercutent sur le prix final payé par les consommateurs. En 2021, le préjudice estimé par les plaignants variait entre 500 millions et 1,5 milliard de livres.
Une défense bien rodée
Apple ne fait pas face à ces accusations pour la première fois. Aux États-Unis, des allégations similaires ont conduit à un procès contre Epic Games, l’éditeur de Fortnite. En Europe, le Digital Markets Act vise à réguler de telles pratiques, et le Royaume-Uni pourrait suivre cette voie. La défense d’Apple repose sur trois arguments principaux : la société ne peut pas être considérée comme un monopole, car le marché des smartphones est dominé par Android ; ses commissions sont comparables à celles de ses concurrents ; et l’interdiction d’autres boutiques d’applications vise à garantir un « environnement sûr et sécurisé » pour les utilisateurs.
Un procès aux implications larges
Ce procès, qui devrait durer sept semaines, est historique, car c’est la première fois que le CAT examine une action en nom collectif contre un géant technologique. Plusieurs hauts dirigeants d’Apple, dont le directeur financier, sont attendus à la barre. Une défaite d’Apple pourrait également avoir des répercussions sur d’autres entreprises technologiques, telles que Microsoft, Google et Meta, qui font également face à des procédures devant le CAT.
En décembre, le tribunal a autorisé une autre action en justice, cette fois au nom des développeurs d’applications, et en novembre, l’association de consommateurs Which? a porté plainte contre Apple pour avoir « enfermé » ses utilisateurs dans son service de stockage iCloud, réclamant 3 milliards de livres (3,6 milliards d’euros).
Le procès d’Apple au Royaume-Uni pourrait marquer un tournant dans la régulation des pratiques des géants technologiques. Les résultats de cette affaire seront scrutés de près, tant par les acteurs du secteur que par les consommateurs, et pourraient ouvrir la voie à d’autres actions similaires à l’avenir.
Ndeye Dieynaba Traore