À la Cour suprême algérienne, la justice se joue désormais sur un écran. Une nouvelle plateforme numérique a été mise en place pour traiter les pourvois en cassation, une initiative censée alléger le poids des dossiers et moderniser le système judiciaire. Cependant, cette solution suscite de vives critiques de la part des avocats, qui dénoncent un système froid et déshumanisé.
Une Réforme Mal Perçue
Les avocats affirment que cette numérisation a conduit à des rejets massifs de requêtes pour des raisons purement formelles, ce qui constitue, selon eux, une atteinte aux droits fondamentaux des citoyens. Me Ahmed Saï, ancien président de l’Union nationale des ordres des avocats (UNOA), déplore une « logique mécanique » où la forme prime sur le fond. Il évoque des cas où des requêtes sont écartées à cause d’un simple oubli administratif, comme une adresse manquante, entraînant des conséquences dramatiques pour les justiciables.
Des Chiffres Alarmants
Le président actuel de l’UNOA, Me Brahim Taïri, indique que 60 % des pourvois en cassation sont rejetés pour des motifs administratifs. D’autres avocats, comme Me Abdellah Heboul, qualifient cette situation de « catastrophe légale », tandis que Me Fetta Sadat souligne que des dossiers valables sont rejetés simplement parce que les formulaires ne sont pas correctement remplis.
Appel à la Mobilisation
Face à cette situation, l’UNOA a demandé une rencontre avec le président de la Cour suprême, prévue pour le 4 janvier 2025, afin de discuter des préoccupations soulevées par cette numérisation. Les avocats appellent également à une révision du Code de procédure pénale, insistant sur le fait que la justice ne peut pas être laissée aux algorithmes. Ils plaident pour un retour à une justice humaine, où les juges peuvent permettre aux avocats de compléter leurs dossiers au lieu de se limiter à des cases à cocher.
Un Risque de Rupture
Des voix s’élèvent également pour alerter sur le risque d’une rupture entre le citoyen et la justice si cette procédure est maintenue. Les avocats stagiaires partagent cette inquiétude, estimant que cette numérisation sert à « nettoyer les étagères » des tribunaux, au détriment des drames humains qui se cachent derrière chaque dossier.
La situation actuelle soulève des questions cruciales sur l’avenir de la justice en Algérie et sur la nécessité de trouver un équilibre entre modernisation et respect des droits fondamentaux.